Éviter les cuirs avec les mots commençant par un « h » grâce à E. Labiche. (V. Thivin)

     E. Labiche (1815-1888) est un dramaturge français.

Edgar et sa bonne date de 1852 et Voyage autour de ma Marmite de 1859.

     Dans la plupart des pièces d’E. Labiche, un passage dénonce une maladresse langagière. Parmi ces écarts, beaucoup se rapportent à la prononciation.


CONTEXTE 1 :


     Un premier témoignage de ce fait est observable dans la comédie en un acte, Edgard et sa bonne. Le défaut, un cuir, y est directement désigné par le personnage éponyme.

Dans cette pièce en effet, Florestine, la bonne de madame Beaudeloche, compte parmi ses amants, Edgar, le fils de la maison. Or, Edgar doit le jour-même signer le contrat de mariage qui l’unira à Henriette, fille du bourgeois Veauvardin. Au cours de la scène 9, le jeune homme cherche à éloigner Florestine car cette dernière ne manquerait pas de faire annuler la cérémonie si elle connaissait ce fait. Pour cela, Edgar invite Florestine à déjeuner à l’extérieur. Toutefois, prétextant qu’ils ne peuvent décemment pas quitter la maison ensemble, le jeune homme propose à Florestine de la retrouver le pont d’Asnières. La jeune femme, enchantée par l’attention que semble lui témoigner Edgar, accepte avec enthousiasme. Seulement, lorsqu’elle exprime sa satisfaction à son amant, elle commet une faute de liaison qui sera soulignée au public par le jeune homme :

“EDGAR. – Là !... es-tu contente ?...

FLORESTINE, lui serrant la main et avec expression. – Oui !... oui…je suis t’heureuse !... (Elle remonte)

EDGAR, à part. – Oh ! t’heureuse !... elle fait des cuirs… je suis fâché de ne pas avoir mon rasoir… […], Edgard et sa bonne, in E. Labiche, Théâtre, volume 1, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 335.


     Comme cela est généralement le cas chez E. Labiche, un contre-exemple suit qui donne à écouter la bonne façon de prononcer. Ce dernier se trouve deux scènes plus loin. Edgar à qui son futur beau-père vient de reprocher son manque d’empressement à l’égard d’Henriette, devient immédiatement très entreprenant. À la fin de la scène, la jeune fille quelque peu étonnée du soudain comportement du jeune homme, désire quitter la pièce où elle se trouve seule avec lui. Alors qu’elle cherche à se retirer poliment, elle recourt à la formule « je suis heureuse de… ». Comme elle, ne fait aucune erreur de liaison, Edgar s’en montre particulièrement ravi :

“HENRIETTE. – Je crois qu’on m’appelle !... (Saluant.) Monsieur… Je suis heureuse de vous savoir rétabli. (Elle sort par l’angle de droite.)

EDGAR, à part. – Je suis heureuse ! Comme elle évite le cuir !... C’est un ange ! […], Ibid., p. 338.


AVANT D’ALLER PLUS LOIN :


     En classe de FLE, ces deux premiers extraits pourront donc servir d’introduction à une leçon qui portera sur la prononciation des mots commençant par un « h » dit muet.

Bien sûr, des apprenants qui auront entendus prononcer des mots tels « haleine », « harcèlement », « hérédité » ou « hirondelle », pourront les connaître sans savoir les orthographier. Mais puisque pour ces termes, la prononciation à observer est la même que pour les mots qui commençant par une voyelle, du point de vue phonétique, les lacunes orthographiques de ce type ne seront pas préjudiciables.


CONTEXTE 2 :


     La question se compliquera dès que la prononciation du « h » dit aspiré sera abordée. La psilose pointée dans le vaudeville en un acte Voyage autour de ma Marmite révélera cette difficulté.

Dans cette pièce, l’épouse du dentiste Alzéador est absente pour quelques jours. Très attiré par sa cuisinière Prudence, Alzéador passe beaucoup de temps auprès d’elle. Dans la scène 12, Prudence à qui Alzéador vient d’avouer ses sentiments, continue de préparer le dîner. Elle ne manifeste pas vraiment d’intérêt aux propos de son employeur. Son manque d’empressement à se rapprocher d’Alzéador comme ce dernier le lui demande est évidente, lorsqu’elle lui fait part qu’elle doit « hacher les épinards ». Or, dans cette réplique, Prudence lie le [ʒ] du « je » pronom personnel la représentant, au [a] de « hacher » sans tenir compte du « h » aspiré par lequel commence le verbe. Lorsqu’il lui répond, Azéador, aveuglé par son béguin, emprunte la façon de parler de la jeune femme. Toutefois, le ton qu’il utilise alors ainsi que les propos qu’il tient en aparté soulignent la faute de liaison commise par la Prudence :

“ALZÉADOR. – […] Viens là, nous causerons.

PRUDENCE. - Eh ben ! Et mon dîner ?... Il faut que j’hache mes épinards.

ALZÉADOR. – Il faut que j’hache.

À part.

J’aime son langage !...

Haut.

Je les z-hacherai pour toi !

PRUDENCE. – Vous, Monsieur !

ALZÉADOR. – Pourquoi pas ?...

Mettant un tablier de cuisine.

Tu vas voir ! …”, Voyage autour de ma marmite, in Ibid., p. 560


     Le monologue qui suit cet échange permet quand même d’entendre la bonne façon de prononcer. La leçon est achevée :

“Avec feu.

Oh ! Entendre ta voix et hacher les épinards… voilà le bonheur !

Il se remet devant le billot à droite et hache les épinards en regardant Prudence avec admiration.”, Ibid.


BILAN :


     L’astuce reposant sur le principe que seuls les substantifs débutant par un « h » aspiré, peuvent être précédés des articles « le » ou « la » sous leur forme non élidée, ne peut pas, et ce surtout auprès d’un public allophone, toujours être d’un grand secours. Dans ce cas de figure, la meilleure solution pour éviter un pataquès repose sur l’apprentissage par cœur d’une liste de mots débutant par un « h » aspiré.

Afin de faciliter la mémorisation de ces mots, des scénettes copiées sur le modèle d’Autour de ma marmite pourront être composées et jouées en classe.