AUTHENTIQUE (J.M. Caré)

     Les méthodes audio-visuelles pour l'enseignement du FLE furent, au début des années soixante, consacrées au tout début de l'apprentissage : premier degré intitulé « niveau 1 ».

Privilégiant l'oral, les concepteurs estimaient à l'époque que les débutants ne pouvaient accéder à toute la complexité de la langue parlée. Ils eurent alors recours au français dit fondamental (1) pour concevoir les textes et les dialogues de leurs manuels.

On s'aperçut assez vite que cette contrainte censée simplifier la langue produisait des textes étranges, parfois vraiment bizarres (2), manquant cruellement de naturel. Ces textes en « français facile » allaient bien vite démotiver apprenants et enseignants.

     Et, c'est avec la nécessité de réfléchir à une suite, au passage à un autre niveau d'apprentissage, le niveau 2 (3), que l'on va, au tournant des années soixante-dix, revenir à une langue moins fabriquée.

Pour faire plus naturel, on préconisait le recours à des textes de la vie quotidienne, et donc à ces documents que l'on va qualifier d'authentiques.

Les supports pouvaient être sonores, visuels ou textuels : un journal, une vidéo, un podcast, une photo ou un dessin, une pub, un tract, un mode d'emploi, les écrits de la rue, etc. : un véritable inventaire à la Prévert. On les choisissait pour leur intérêt linguistique mais aussi, et c’était nouveau, culturel. Cet abandon du fabriqué didactique marquait une vraie révolution, en matière de compréhension par exemple. Pour faciliter l'accès à l'authenticité, on adoptait aussi une approche plus globale des textes. Et, comme la plupart des documents authentiques étaient aussi utiles dans la vie de tous les jours, on s'orientait peu à peu vers de l'apprentissage utile : le français fonctionnel, après le français facile.


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   (1) Pour améliorer la diffusion du français dans le monde, des enquêtes menées dans les années cinquante par une équipe dirigée par Georges Gougenheim vont aboutir au constat qu'un petit nombre de mots ainsi que quelques règles grammaticales revenaient très souvent à l'oral et à l'écrit. Le corpus de mots sélectionnés selon leur fréquence sera jugé suffisant pour communiquer et appelé fondamental. On en retiendra 1500 pour un premier degré : le FF1 complété par un deuxième degré de 1700 : le FF2.

   (2) Des écrivains comme E. Ionesco et J. Tardieu s'en inspireront dans une littérature dite de l'absurde.

   (3) Le mot authentique apparaît pour la première fois, dans cette acception, en 1970, dans « Textes et documents authentiques au niveau 2 » (D. Coste, Le français dans le monde n°173).