Lorsque Marc Argaud propose une recette poétique à base de mots (V. Thivin)
Dans la première rubrique de Langages et apprentissages (1) , M. Argaud qui s’appuie sur un procédé goûté par M. Leiris (2), propose un exercice en deux parties dont le matériel de départ est un mot. Une fois choisi, ce mot doit d’abord être disséqué en lettres. Puis, à l’aide de ces lettres, il faudra que l’apprenant écrive d’autres mots. Le recours à d’autres lettres que celles présentes dans le mot de départ est interdit. En revanche, toutes les lettres du mot retenu n’ont pas besoin d’être réemployées.
Cette première partie de l’exercice peut être réalisée en solo. Cependant, après avoir accumulé un nombre suffisant de mots, une mise en commun sera proposée. Alors, l’enseignant notera au tableau tous les mots que les apprenants lui dicteront. Bien sûr, les mots mal orthographiés ne seront pas pris en compte.
À partir de cet endroit, un second “travail […] créatif et de sensibilité littéraire” (3) , comme le qualifie M. Argaud, est demandé aux apprenants : en agençant ces mots, ils devront tous composer un poème semblable à « Être ange » (4). En effet, se reposant sur ce texte, pour assurer une cohérence entre les poèmes et faciliter la tâche, M. Argaud propose que les poèmes imaginés aient l’apparence de définitions de types :
Pour le mot « étranger » par exemple :
“ange d’une autre terre” ;
“ange d’une terre étrange” ;
“être né entre deux terre” ou
“être errant d’une autre terre” (5).
Par cette démarche, M. Argaud stipule dans son document qu’il désire “rendre sensibles le regard et l’oreille”. Son attachement à la méthodologie SGAV est donc encore une fois très claire.
Dans le document ci-contre, il est demandé aux apprenants de composer des phases en prenant comme termes clés les quatre mots figurant sur l’un des schémas ci-contre. Les flèches indiquent tous les chemins empruntables. Ainsi, à partir des mots proposés dans le troisième schéma, une quantité déjà considérable de phrases telles « Un ange éclaire la nuit qui vole » , « La nuit, un ange vole et éclaire » , « Éclaire l’ange de la nuit qui vole ! » ou « L’ange de nuit éclaire son vol » pourra être produite. Mais, lorsque dans un second temps, il sera proposé à chacun de créer un texte à partir de phrases imaginées à partir des 5 schémas, les possibilités se verront encore multipliées. Or, c’est là le principe de la grammaire générative de N. Chomsky établie sur le fait qu’avec un nombre restreint de mots, il est possible d’engendrer une infinité de phrases.
(1) Il s’agit d’une brochure photocopiée créée par M. Argaud pour un stage de méthodologie qu’il a animé en juin 1995 à l’Alliance française de Dhaka.
(2) M. Argaud cite d’ailleurs à cet endroit un extrait de Brisées : “En disséquant les mots que nous aimons, sans nous soucier de suivre ni l’étymologie, ni la signification admise, nous découvrons leurs vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage, canalisées par des associations de sons, de formes, et d’idées”, deuxième page de la photocopie de l’exercice « Avec les mots, entrez dans l’aventure » inséré dans langages et apprentissages.
(3) Septième page du même document.
(4) “« Être ange »
Être ange
C’est étrange
Dit l’ange
Être âne
C’est êtrâne
Cela ne veut rien dire
Dit l’ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
Étrâne est plus étrange qu’étrange
Dit l’âne
Étrange est
Dit l’ange en tapant des pieds
Étranger vous-même
Dit l’âne
Et il s’envole.”, J. Prévert, Fatras, cité dans la huitième page du même document.
(5) Septième page du même document.
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