Le roman d'arcade, de l'Oulipo à l'Ouflepo (Ph. Jaillet)
Il est extrêmement difficile de dater de manière précise la création du roman d'arcade. Nous ne parlons pas ici d'une création d'un auteur seul mais d'une évolution sous forme d'arborescence d'un texte. Les premières formes précoces en langue anglaise sont connues des 1927 par I got your number de Doris Webster, bien qu'étant plus des livres d'analyse et d'évolution personnelle réutilisant le principe des renvois de paragraphe que des textes arborescents à proprement parler.
D'autres formes apparurent avec la série Mystery d'Ellery Queen en 1929, qui présentait une fiche d'interrogation pour le lecteur.
La première forme décrivant le roman d'arcade fut évoquée par Jorge Luis Borgès en 1941 dans le recueil Fiction évoquant un livre-jeu fictif.
En 1958 apparaissent dans la série Tutortext les premiers bases d'une forme approchant la littérature arborescente. Son propos était de permettre l'apprentissage de techniques en mettant le lecteur en situation et en évaluant ses choix.
Ce qui nous amène au tout premier texte réalisé en France par Raymond Queneau sous le nom de littérature pour la réunion numéro 83 de l’Oulipo du 5 juin 1967 et faisant suite à l'exercice d'écriture demandé par François le Lionnais lors du congrès annuel de l'Oulipo, s'inscrivant sous la réunion numéro 79 du 3 janvier 1967, sous le point G intitulé « arbre de texte (romanesque ou poétique), (faites-le vous-même ; exercices de textes successifs ; etc.) »
Le chemin reproduit au dos de la lettre de François Le Lionnais datée du 15 juin 1967 présente le projet de présentation en forme de sommaire du texte.
Ce texte fut publié pour la toute première fois en juillet septembre 1967 dans les Lettres nouvelles avant de reparaître en 1973 dans La littérature potentielle de l'Oulipo accompagné du texte de François Le Lionnais présentant le principe, ainsi que de L'arbre à théâtre, comédie combinatoire de Paul Fournel.
Il faudra attendre 1976 pour que la première parution anglaise au sens conventionnel de livre-jeu soit réalisée, à savoir Sugarcane Island.
Le genre entrant en sommeil pour les publications de livre en France jusqu'en novembre 1983 avec la parution du Sorcier de la montagne de feu par Gallimard, en dehors de la reparution en octobre 1981 de Contes et propos. De nombreuses parutions existèrent cependant dans Jeux et Stratégies à partir de février 1983, publiant les travaux de Philippe Fassier et Didier Guiserix.
Les années qui suivirent virent l'apparition de centaines de textes. C’est précisément le moment où, dans mon enfance, j’ai découvert cette littérature via la série des Défis Fantastiques, un grand classique de la littérature interactive jeunesse. J’ai tout de suite adoré la liberté et l’inventivité de ce mode de lecture. C’est pour en faire profiter de nouveaux lecteurs que j’ai décidé de créer une maison d’édition dédiée à ce genre.
Il est intéressant de noter que dans les années 1980, de nombreux textes arborescents avaient des visées pédagogiques, en particulier pour l'apprentissage de la langue française : en français langue maternelle on peut citer les travaux de Pierre Rouanne avec la collection Interlire, et pour ce qui concerne le français langue étrangère, on peut citer évidemment les travaux de Francis Debyser avec Où vas-tu Goupil ? et L'art poétique de l'arborescence, ainsi que La pyramide truquée et Jus d'oronge, de même que ceux de Patrick Charrière avec Parlez-vous branché ? et Francis Yaiche avec Douze taxes de base.
Nous pouvons également parler des travaux de Catherine Barnoud avec la collection Imaginez-vous…, qui avaient pour propos l'apprentissage du FLE.
Une partie de ces textes pionniers trouve aujourd’hui une seconde vie avec la réédition en cours dans la collection des « Archives exhumées » de Posidonia Editions (http://posidoniaeditions.fr/). Il existe en effet des livres soit particuliers soit spécifiques. Comme Empires SA par exemple, qui était destiné à un public d’étudiants en management, et repose sur une parodie de la privatisation de TF1. Ou bien des ouvrages qui, bien que ne visant pas un large public, ont un intérêt historique pour le développement du genre. Certains livres enfin sont si datés par leur contexte ou leur sujet qu’ils ne peuvent toucher un large public aujourd’hui, mais conservent leur intérêt historique en tant qu’œuvres pionnières. On peut citer par exemple Superdubois de Roger Gaillard, qui fut le tout premier livre-jeu suisse, publié en janvier 1986.
Présentation rapide de Posidonia :
Posidonia Editions est une maison d'édition associative à but non-lucratif créée en 2016. Spécialisée dans la littérature arborescente, elle mène des activités essentiellement sur deux fronts : l'édition de nouveaux titres originaux, et la réédition de titres aujourd'hui épuisés mais emblématiques du genre. Dans ce cadre, Posidonia Editions a déjà republié dans sa série "Archives exhumées" plusieurs titres très peu connus mais qui ont marqué l'histoire du développement de la littérature arborescente en France, y compris en FLE. Douze taxes de base de Francis Yaiche a ainsi été réédité en 2018, et d'autres titres sont en cours de réédition. Vous pouvez ainsi pré-commander dès maintenant Parlez-vous branché ? de Patrick Charrière, qui explorait le vocabulaire du langage "jeune" de la fin des années 1980, à paraître fin 2019, sur https://www.okpal.com/livres-jeux-posidonia-late-pledge/#/
Un recueil des textes de littérature arborescente de Francis Debyser est également en préparation.
Tous les titres publiés par Posidonia peuvent être commandés sur leur site : http://posidoniaeditions.fr/
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